Le beat n'a pas de sexe :
Salut Juliette ! Alors pour commencer, présente nous un peu ton label et sa genèse (à quelle date l'as-tu lancé, de quelle manière, etc.).
Handle The Sound :
Avant d'être un label, j'ai créé en octobre 2012 un blog (si on peut appeler ça un blog, plus une plateforme où je partageais des sons qui me plaisaient et où je publiais des interviews d'artistes que j'aimais bien).
En 2014, j'ai décidé de commencer à réfléchir à une manière d'aller un peu plus loin dans le milieu de la musique sans pour autant devenir DJ ou productrice. C'est là qu'est venue l'idée du label.
Tout au long de cette année, j'ai contacté de nombreux producteurs afin de les rassembler sur une compilation. Et fin janvier 2015, la compilation "Mermaid Comp Vol 1" est sortie, en téléchargement gratuit.
LBNPS :
Depuis tu as même sorti une deuxième compilation, où l'on peut notamment retrouver plusieurs artistes féminines (MINA, SVANI, Ida Dillian, etc.). Est ce que le fait de promouvoir des femmes fait partie d'un de tes objectifs, ou tu juges simplement à la qualité des artistes ?
HTS :
Oui et non ... J'ai envie que les femmes prennent plus de place dans le monde de la musique parce que bien souvent elles sont mises à l'écart. Mais j'ai un peu de mal avec cette volonté de promouvoir les femmes coûte que coûte sous prétexte que ce sont des femmes.
Il faut avant tout juger un artiste par la qualité de son travail et c'est ensuite que la question de promotion doit venir. Je ne dénigrerai jamais un artiste masculin vis à vis d'un féminin, dans l'optique de laisser davantage de place aux femmes dans ce milieu.
LBNPS :
Justement, toi qui fait partie de cette scène, que penses-tu du débat qui agite depuis longtemps le monde de la musique électronique quant à la place laissée aux femmes ? Les revendications des collectifs exclusivement féminins de plus en plus nombreux aujourd'hui te paraissent-elles légitimes ?
HTS :
Je comprend que les femmes dans ce milieu aient envie de se rassembler. Je pense notamment au groupe "Sisters" qui a pour ambition de rassembler les talents féminins du monde entier en terme de production, DJing etc.
Bien souvent, on va sous estimer une femme dans la musique. On va lui dire qu'elle sera moins douée d'un point de vue technique et que si elle commence à se faire connaître, c'est uniquement parce qu'elle a un vagin ...
Il y a eu de nombreuses histoires comme quoi certains producteurs ou responsables de labels, demandaient à certaines filles de leur envoyer des photos d'elles dénudées en échange de partage de leurs musiques ou autre.
Donc, oui, c'est légitime de vouloir se rassembler. Mais à force d'être trop sectaires on envenime la situation... Regarde par exemple, dans la description du groupe Facebook « Sisters », il est écrit en majuscules : « NO BOYS ALLOWED ».
A force de vouloir se battre contre le sexisme, elles y contribuent d'une certaine manière... Ce qui me gène, c'est que lorsque des filles font cela, on va parler de « solidarité féminine » alors que si les hommes faisaient de même, on crierait au scandale.
Cela ne fait que confirmer cette histoire de « les mecs et les filles ne sont pas pareils » et qu'il existe un genre.
LBNPS :
Oui, là il est question de totalement exclure les hommes.. Justement pour rebondir, il y a un débat en ce moment sur le fait que les festivals devraient établir une parité totale entre hommes et femmes sur les line ups. T'en penses quoi ?
HTS :
Encore une fois, ce serait bête de booker un artiste parce que c'est un homme ou parce que c'est une femme ... Je pense que ceux qui s'occupent des line ups en festivals devraient certes rechercher si des femmes font de la bonne musique et mériteraient d'être sur scène mais la question de la qualité primera toujours pour moi.
LBNPS :
C'est peut-être pour ça qu'il y a de plus en plus de producteurs qui décident de garder le mystère sans dévoiler aucune information de leur identité, tout en sortant de très bonne tracks.
HTS :
C'est vrai.
LBNPS :
Tout à l'heure tu parlais de producteurs et directeurs de labels qui faisaient du chantage ou des avances... Tu as déjà rencontré des problèmes comme celui ci dans ton projet ? As tu le sentiment d'être totalement respectée pour ton travail coté masculin ?
HTS :
Oui, une fois un DJ m'a envoyé des photos de son pénis. Et un autre voulait me skyper très souvent, je refusais à chaque fois, et depuis il a décidé de ne plus partager les sons que je sors et de m'envoyer des productions de lui... C'est un peu à double tranchant.
80% des gens sont très gentils avec moi et ont beaucoup de respect pour ce que je fais. Mais beaucoup vont me snobber parce que pour eux je suis une fille et que si des gens me suivent un peu, c'est uniquement pour ça.
LBNPS :
Tu as une esthétique assez féminine (sirènes, couleurs pastels, etc.). Tu revendiques ton identité à travers cela ? Et avec qui travailles-tu pour tes artworks d'ailleurs ?
HTS :
Oui j'aime bien les sirènes (je ne sais pas d'où ça me vient, peut-être du fait que j'aime nager) Oui j'essaye d'en jouer !
Pour les artworks j'ai bossé un temps avec Inès Manaï, une fille de Paris, mais depuis quelques temps je les fait moi même.
LBNPS : D'accord ! Dernière chose : Quels sont tes futurs projets ?
HTS :
Continuer de sortir un son par mois en téléchargement gratuit. Faire une troisième compilation. Bosser sur un premier EP. Mais surtout, essayer de me définir par un style bien particulier, un espèce de bass music à tendance dembow, dancehall et r'n'b avec des côtés grime et ballroom. Et apprendre à mixer aussi.
LBNPS :
Parfait tout ça ! On te souhaite bon courage pour tous tes projets !